Comment fais-tu?

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Je réponds souvent aux gens qui me demandent « Comment tu fais pour faire l’école à la maison à 5 enfants d’âge différents (avec le ton de voix et le visage consternés et/ou pleins de pitié pour moi)? ». Ben… des fois on fait… des fois on ne fait pas

J’écris souvent quand on ne fait pas. Nos horaires pleins de chaos, les chicanes, les demandes incessantes, le bordel, l’envie sournoise de commettre juste un petit vol en espérant que le juge nous envoie en vacances 2-3 mois en prison! Nourri, logé, plus besoin de réfléchir, plus besoin de s’occuper de rien ni de personne! Les vacances les plus relaxantes de ma vie… haha (rire mi-dérangé/mi désespéré)! C’est plus facile d’être drôle dans le chaos! Mais j’écris moins souvent quand on fait. Parce qu’en faisant l’école à la maison, en ayant mes enfants avec moi la plupart du temps, on vit le difficile tout en ayant l’immense, l’incommensurable chance de profiter du bon

Tsé, les journées douces… les journées où je m’assois dans le corridor pour écouter mes enfants jouer ensemble dans une harmonie, une complicité sans faille, à toute épreuve, indestructible! Les journées où je marche sur la pointe des pieds pour ne pas briser le voile de bien-être qui s’est déposé sur nous dans la maison. Celles où tout le monde a trouvé une place dans cet espace qu’on occupe à six êtres humains, en permanence et bien trop souvent depuis quelques mois! (Je n’oublie pas Pol, c’est juste que c’est à six qu’on vit le plus souvent dans la journée haha!) 

Il y a celle qui joue à un jeu de société avec ses peluches et ses amis imaginaires. Qui vient me raconter de temps en temps… souvent… chacune des moindres pensées et actions de son toutou…! Mais où je prends le temps de l’écouter. Je prends le temps de lui offrir l’attention dont elle a besoin (beaucoup besoin… beaucoup beaucoup haha!). Il y a ceux qui jouent dans le monde des Legos. Entourés de constructions, de maisonnettes, de bâtiments, de vaisseaux, de personnages sortis d’une imagination ahurissante. « The sky is the limit »… c’est encore trop limité pour eux. Leurs histoires n’ont rien à envier aux plus grands auteurs de science-fiction qui font partie de ce monde! 

Et parfois, il y a un conflit. Ils ne s’entendent plus. Mais les journées qu’on fait, ils arrivent à régler leurs mésententes eux-mêmes en puisant dans les multiples ressources que je m’efforce de leur donner. Tsé, celles qu’on leur répète et répète en boucle en ayant l’impression que nos paroles sont un train et leurs oreilles un tunnel qui traverse leur cerveau d’un côté à l’autre sans aucune escale à l’intérieur de leur tête! Eh bien surprise! Ils sont capables de les utiliser!

Il y a ceux qui prennent leur bain pour la 3e fois de la journée. Parce qu’ici, le bain c’est une activité comme une autre. Ils peuvent parfois y passer une heure, parfois 3 minutes, parfois y’en a un qui sort et un autre qui prend sa place! Des fois ils y jouent seuls, des fois à 4! Je laisse bien souvent l’eau toute la journée. On en rajoute de la chaude de temps en temps! J’ai rien de moins qu’une piscine intérieure! Un spa dans ma maison!

Ces journées-là, des fois je laisse faire l’école. Pas toujours… mais des fois oui. Des fois, ça ne vaut pas la peine de briser l’harmonie, ça ne vaut pas la peine de changer l’ambiance. Parce que j’ai le temps de m’asseoir, d’apprécier, de les écouter, d’écrire que des fois on fait, des fois on ne fait pas ! 

Ça ne vaut pas la peine de les ramener de Legoland pour leur faire apprendre des additions et des soustractions que, de toute façon, ils vont avoir l’occasion d’expérimenter quand ils vont devoir construire une base sous-marine pour leurs personnages… Ça ne vaut pas la peine de les pousser à s’asseoir à la table pour apprendre à lire alors qu’ils vont écouter des livres audio et lire leurs bandes dessinées dans la journée. Puisqu’ils vont venir me voir, fier d’eux en disant : « Maman, regarde Garfield qui parle à John! C’est trop drôle! » parce qu’il a réussi à lire seul! Ou « Maman, peux-tu prendre la suite de mon roman à la bibliothèque? » Ça ne vaut pas la peine de le sortir du bain parce qu’en regardant l’eau couler de sa main, il va me demander : « Maman, comment ça fait pour exploser les feux d’artifice ? » (Ouais… j’en ai un dont j’ai du mal à saisir toutes les subtilités des chemins que son cerveau prend pour réfléchir! Ha! Ha!) Et on lui mettra le Ricardo de la science, « C’est pas sorcier », pour apprendre sur les feux d’artifice!

Alors à ceux qui se demandent comment je fais, je ne saurais pas leur répondre autre chose que des fois on fait, des fois on ne fait pas… Mais quand on fait, quand je lève les yeux de mon livre, que je prends une gorgée de café, que je regarde la petite société que j’ai créée et dans laquelle on évolue, je sais que peu importe les journées où on ne fait pas, ça vaut la peine fois mille quand on fait !

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient refléter la position de l’AQED.

Traduit par Patrick Riley